"L'équipe se coucha, après avoir abondamment aspergé les lits de poudre insecticide, mais rien au monde ne pouvait décourager les puces de l'Empire Russe. Les hommes se tortillèrent toute la nuit, au son des trompettes de la garnison et des bottes, qui accompagnait les perpétuelles relèves. Car, en Sibérie, l'armée occupait chaque banque, chaque édifice public."
"Le lendemain matin, lorsqu'il fallut passer un autre bras des rivières qui entouraient la ville, ce fut encore sous l'oeil des sentinelles. Et il pleuvait toujours !... L'essence s'épuisait, à force de dérapages sur des océans de boue. A la moindre pente, il fallait descendre, couper des branches et les placer sous les roues, pour leur permettre d'avancer ; la boue se plaquait sur les jambes des hommes, les transformant en pattes d'éléphants : elle giclait sur leurs visages, qu'ils avaient renoncé à nettoyer, sauf pour dégager les yeux et les narines. Ils avaient tellement perdu l'habitude d'une température fraîche qu'il leur semblait sentir la boue geler sur leur peau. Dans ce pays, maintenant desservi par la voie ferrée, on paraissait du coup avoir abandonné toute réfection des routes ; et là où les ponts étaient pourtant indispensables, le manque d'entretien les rendrait bientôt inutilisables."
(...) "Les ponts s'étaient à demi effondrés sous le poids de la neige hivernale. Tandis que les Italiens traversaient sur la pointe des pieds (pour ainsi dire), ils se demandaient si bientôt ils n'allaient pas se trouver devant un pont complètement détruit."
"Cette éventualité se produisit, ou à peu près, quelques heures plus tard. Ils passèrent d'abord à pied, pour en éprouver la solidité, un pont qui branlait d'une manière inquiétante ; puis ils se résignèrent à y lancer la voiture, assez vite pour que son poids ne surchargeât pas trop longtemps les planches suspectes. A peine l'Itala avait-elle franchi le pont, qu'on entendit un double craquement, comme deux coups de feu, et la voiture chassa un peu en arrière. Guizzardi, qui était au volant, se garda de ralentir et il atteignit l'autre bord ; mais, en regardant derrière lui, il vit un grand trou dans le tablier du pont. Deux planches brisées venaient de tomber à l'eau."
(...) "Les pilotes, maintenant habitués au style du pays, se résignaient d'avance aux ponts vacillants qu'on n'allait pas manquer de rencontrer (...). Ettore avança lentement. Le pont oscilla légèrement, ce qui n'était nullement agréable vu l'absence de parapet, mais l'ordre était de ne jamais ralentir. Le pilote continua. Tout à coup, sous les roues arrière, les planches cédèrent. Tandis que la voiture s'effondrait, Ettore coupait les gaz. L'arrière plongea dans le vide ; mais, au niveau des ressorts avant, le châssis fut accroché par quelques planches saines. On vit l'Itala se cabrer et rester suspendue à la verticale, les gros yeux des phares émergeant seuls au-dessus du pont."
"Le bruit sinistre du bois qui craquait cessa subitement. Borghèse assis près du conducteur, avait levé les bras au moment où la voiture basculait. Il agrippa une poutre du pont ; mais, la voiture continuant à s'enfoncer, son corps se trouva coincé entre la poutre et le tableau de bord (...). Il se souleva à la force des poignets, sortit du piège, et se laissa glisser le long du véhicule dans le torrent, s'en tirant avec quelques côtes brisées."
(...) "Barzini, lui, était assis à l'arrière, entre les réservoirs de secours. Au moment de la catastrophe, ce furent les bagages qui heurtèrent d'abord les aspérités des planches brisées. Les cordes qui arrimaient le tout se rompirent, les paquets churent en avalanche autour du journaliste ; et, tandis que le moteur se balançait au-dessus de sa tête, l'huile chaude lui inondait le corps et le visage. Le malheureux restait là, prisonnier et suffoquant."
"Le lendemain matin, lorsqu'il fallut passer un autre bras des rivières qui entouraient la ville, ce fut encore sous l'oeil des sentinelles. Et il pleuvait toujours !... L'essence s'épuisait, à force de dérapages sur des océans de boue. A la moindre pente, il fallait descendre, couper des branches et les placer sous les roues, pour leur permettre d'avancer ; la boue se plaquait sur les jambes des hommes, les transformant en pattes d'éléphants : elle giclait sur leurs visages, qu'ils avaient renoncé à nettoyer, sauf pour dégager les yeux et les narines. Ils avaient tellement perdu l'habitude d'une température fraîche qu'il leur semblait sentir la boue geler sur leur peau. Dans ce pays, maintenant desservi par la voie ferrée, on paraissait du coup avoir abandonné toute réfection des routes ; et là où les ponts étaient pourtant indispensables, le manque d'entretien les rendrait bientôt inutilisables."
(...) "Les ponts s'étaient à demi effondrés sous le poids de la neige hivernale. Tandis que les Italiens traversaient sur la pointe des pieds (pour ainsi dire), ils se demandaient si bientôt ils n'allaient pas se trouver devant un pont complètement détruit."
"Cette éventualité se produisit, ou à peu près, quelques heures plus tard. Ils passèrent d'abord à pied, pour en éprouver la solidité, un pont qui branlait d'une manière inquiétante ; puis ils se résignèrent à y lancer la voiture, assez vite pour que son poids ne surchargeât pas trop longtemps les planches suspectes. A peine l'Itala avait-elle franchi le pont, qu'on entendit un double craquement, comme deux coups de feu, et la voiture chassa un peu en arrière. Guizzardi, qui était au volant, se garda de ralentir et il atteignit l'autre bord ; mais, en regardant derrière lui, il vit un grand trou dans le tablier du pont. Deux planches brisées venaient de tomber à l'eau."
(...) "Les pilotes, maintenant habitués au style du pays, se résignaient d'avance aux ponts vacillants qu'on n'allait pas manquer de rencontrer (...). Ettore avança lentement. Le pont oscilla légèrement, ce qui n'était nullement agréable vu l'absence de parapet, mais l'ordre était de ne jamais ralentir. Le pilote continua. Tout à coup, sous les roues arrière, les planches cédèrent. Tandis que la voiture s'effondrait, Ettore coupait les gaz. L'arrière plongea dans le vide ; mais, au niveau des ressorts avant, le châssis fut accroché par quelques planches saines. On vit l'Itala se cabrer et rester suspendue à la verticale, les gros yeux des phares émergeant seuls au-dessus du pont."
"Le bruit sinistre du bois qui craquait cessa subitement. Borghèse assis près du conducteur, avait levé les bras au moment où la voiture basculait. Il agrippa une poutre du pont ; mais, la voiture continuant à s'enfoncer, son corps se trouva coincé entre la poutre et le tableau de bord (...). Il se souleva à la force des poignets, sortit du piège, et se laissa glisser le long du véhicule dans le torrent, s'en tirant avec quelques côtes brisées."
(...) "Barzini, lui, était assis à l'arrière, entre les réservoirs de secours. Au moment de la catastrophe, ce furent les bagages qui heurtèrent d'abord les aspérités des planches brisées. Les cordes qui arrimaient le tout se rompirent, les paquets churent en avalanche autour du journaliste ; et, tandis que le moteur se balançait au-dessus de sa tête, l'huile chaude lui inondait le corps et le visage. Le malheureux restait là, prisonnier et suffoquant."
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