On parle de nous (6)

Depuis le début de leur périple, Élise et Fabien tiennent régulièrement informer le quotidien La Voix du Nord, par quelques articles qu'ils confectionnent eux-même, comme des envoyés spéciaux du journal, témoins de leurs propres aventures. En voici un de plus.

"Une nuit en Sibérie

Sibérie, km 624, route M 53, entre Irkoutsk et Krasnoyarsk. Il est 22 heures. La nuit est tombée sur la sombre forêt de pins que nous longeons sans phares. Faute de batterie, nous naviguons en aveugles. Nous cherchons désespérément un endroit discret où planter notre tente et mettre à l’abri notre voiture. Deux nuits auparavant, des individus mal intentionnés ont tenté de kidnapper notre partenaire de route, d’où notre méfiance. Nous finissons par trouver une de ces aires de repos pour routiers où tous les services ou presque figurent : restaurant, motel, bains russes… C’est désormais une habitude, l’arrivée de notre bolide encourage les questions autant que les félicitations. Trois chauffeurs se montrent particulièrement intéressés par notre périple. Tour à tour, séduits par notre projet, ils nous glissent au creux de la main quelques roubles en nous criant "Benzine ! Benzine !". Ils veulent ainsi participer à l’achat de quelques litres d’essence. Mais leur générosité ne s’arrête pas là… ils nous invitent aussi à partager quelques bières dans leurs camions. Bercés par la musique locale, souvent avec les mains, c’est dans une cabine que nous discutons de choses et d’autres, sans trop se comprendre mais heureux de s’être rencontrés. Dans de grands éclats de rire, nous procédons à de surprenants échanges de cadeaux : un sifflet contre une cassette de musique russe, un couteau suisse contre un atlas de l’ex URSS... l’heure tourne cependant et il faut songer à dormir. Andreï, l’un de nos hôtes, se propose de nous aider à obtenir une chambre à la "gastinitza". Pas de chance, l’hôtel affiche complet. Il va falloir planter la tente sur le parking. Pour Andreï, la chose est inconcevable. Il insiste pour que nous occupions alors sa cabine pour la nuit. Malgré nos multiples refus, il tient à ce que nous dormions dans son camion. Qu’à cela ne tienne, nous lui proposons alors de dresser notre tente dans sa remorque. Adjugé vendu ! C’est là que nous établissons notre campement pour la nuit. Et quelle belle nuit ! C’est ça la Russie ! Des Hommes avec un cœur grand comme leur pays.
Élisabeth Pette & Fabien Hamm Des Routes et des Hommes"