mardi 11 septembre 2007

La saga des visas (3) : Les chinoiseries russes

Nous avions rendez-vous à 8h30 avec Mademoiselle X. Nous avions travaillé notre argumentaire face aux autorités russes pour expliquer notre retard et de ce fait l’expiration de notre visa. Penauds, nous pénétrâmes dans les locaux administratifs guidés par Mademoiselle X, qui ayant pris notre cause à cœur se démenait déjà pour trouver LA solution. Premier bureau, le "niet" de rigueur ne tarda pas, néanmoins on nous orienta vers le bureau n°20 où siégeait le directeur des lieux. Derrière la porte 20 se jouerait notre sort… On nous demanda de patienter dans le couloir pendant que Mademoiselle X exposait notre situation au responsable.

Quelques instants plus tard, on nous invita à entrer. Le gradé, œil rivé sur nos passeports, ne nous adressa ni un regard, ni la parole. Le poste de télévision allumé et bruyant derrière nous perturbait quelque peu notre attention. On nous demanda par l’intermédiaire de Mademoiselle X, quelles étaient les raisons de notre retard et si nous avions des justificatifs de ce que nous avancions. Nous avions toutes les peines du monde à prouver les difficultés mécaniques rencontrées en Mongolie. Nous souhaitions qu’il puisse nous croire sur parole et qu’il nous accorde sa confiance. Lorsqu’il nous demanda combien de jours il nous fallait pour sortir du territoire, nous comprîmes alors que c’était peut-être gagné et que nous obtiendrions gain de cause. Nous proposâmes douze ou quinze jours. Il refusa catégoriquement. Dix jours nous seraient accordés par un de plus. Nous devions de plus nous acquitter d’une amende de 2000 roubles (équivalent environ à 80 $) chacun et réunir un ensemble de documents pour obtenir la prolongation de nos visas. Une course folle administrative s’engagea alors.

Direction la banque, pour obtenir un reçu d’acquittement de l’amende (la corruption en Russie n’est plus de mise, tout échange financier doit être dûment justifié). Chose étrange, lorsque que vous payez une amende, on vous offre en échange des tickets de loterie à gratter qui nous ont permis de gagner 10 roubles… Les reçus en poche, nous retournions aux bureaux de l’immigration afin de remplir les multiples formulaires, des dizaines d’informations, des tonnes de cases à cocher. Si mademoiselle X n’avait pas été avec nous, nous y serions encore ! Une fois les papiers remplis, il nous fallut patienter quelque peu dans la file d’attente du bureau n°2 qui nous délivrerait notre prolongation. Nous atteignîmes enfin le bureau. Après analyse de notre dossier, on nous asséna : "Il vous manque le protocole indiquant que vous êtes dans l’illégalité signé par l’inspecteur".

Il était 12h00, heure de la pause déjeuner. Il nous manquait un papier et nous n’avions toujours pas nos visas… Après une courte pause, nous arrêtâmes une voiture dans la rue pour qu’elle nous emmène au bureau fédéral où se trouvait l’inspecteur. Pendant ce temps, Mademoiselle X raconta nos péripéties à notre chauffeur qui profita de la situation pour nous proposer de nous emmener, une fois nos affaires résolues, à Tcheliabinsk contre la somme de 3000 roubles (environ 120 $). Nous prîmes ses coordonnées, même si le service nous paraissait très cher, mais l’on ne sait jamais ce que l’avenir nous réserve. Arrivés à l’office fédéral, imposant édifice stalinien, nous pénétrâmes à la recherche de l’inspecteur. Nous parcourûmes au pas de course les larges couloirs encadrés de bureaux où des dizaines de personnes patientaient. On nous informa que le bureau de l’inspecteur était le n°25, nous empruntâmes les escaliers vers l’étage inférieur, nous nous retrouvâmes dans un sous-sol où nous n’aurions pas été surpris d’y trouver des cellules. Pourtant nous fûmes accueillis par une jeune femme, Anna, qui affichait un large sourire et semblait au courant de notre visite. Elle nous demanda nos passeports et disparut. Mademoiselle X s’inquiéta du temps qu’il fallait pour réaliser quelques photocopies et surtout de l’amabilité avec laquelle nous fûmes reçus. Il n’est pas de mise que l’on vous accueille avec le sourire dans les administrations russes. Elle soupçonnait que tout ceci cachait quelque chose, que nous serions enregistrés dans les archives du FSB (ex KGB) et s’attendait à la voir revenir encadrée de quelques militaires prêts à nous embarquer manu militari.

Élise, assistée par Mademoiselle X, dans les méandres des formulaires

L’atmosphère était oppressante, nous sentions chez Mademoiselle X une véritable angoisse liée à des souvenirs encore trop récents d’un régime totalitaire où les mots "liberté", "droits de l’homme", n’avaient pas de sens. Mademoiselle X nous transmettait peu à peu son stress et ses angoisses. Cependant l’arrivée d’Anna nous soulagea, elle avait perdu du temps à chercher vainement une photocopieuse en état de marche. Une fois les protocoles décrivant notre infraction remplis et signés, on nous demanda enfin d’entrer dans le bureau de l’inspecteur. Il nous demanda simplement si nous acceptions le protocole et le fait d’avoir commis un délit sur le sol russe. Ce à quoi nous répondîmes vivement et d’une seule voix : "Da". Il le signa à son tour, nous avions alors entre les mains la dernière pièce du puzzle nous permettant d’accéder à nos visas. Toutes ces démarches prirent du temps. Il nous fallait alors retourner rapidement à l’office de l’Immigration, avant qu’il ne ferme ses portes pour le week-end. Nous arrivâmes juste à temps devant le bureau n°2, nous donnâmes toutes les pièces du dossier et quelques instants plus tard, le miracle tant attendu fut enfin réalisé.

On nous remit deux papiers verts nous permettant de continuer notre route. Nous avions alors entre les mains les précieux sésames nous remettant dans la légalité sur le territoire russe. Nous permettant de regarder droit dans les yeux les agents de police que nous croisions sur notre route, nous autorisant à retourner dans les hôtels russes. Nous laissant espérer à nouveau avoir une chance de voir aboutir notre projet. Soulagés, rassurés et heureux, nous ne songions alors qu’à rejoindre Tcheliabinsk. 10 jours de prolongation, c’est bien, mais il nous fallait prier pour que ce soit suffisant et pour que la "vieille dame" n’ait pas de problème mécanique avant la sortie. Aussi, il nous fallait nous dépêcher d’aller la retrouver afin de la rassurer. Enfermée dans son garage depuis deux jours, elle devait se demander combien de temps elle y resterait. Nous nous rendîmes à la gare routière, les deux dernières places pour Tcheliabinsk furent vendues à nos nez et à "nos barbes". Il nous restait alors l’unique solution du chauffeur rencontré l’après-midi même, nous l’appelâmes, il vint nous chercher… Alors en voiture ! Direction Tcheliabinsk !

Les Pékinois

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